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Pour aller plus loin
- Pour consulter une synthèse de l’analyse « Effects of Biofuel Expansion on Land Use »
- Sur la société Biomass Research
- Sur les méthodes d’évaluation du bilan CO2 des biocarburants
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Directeur de la société de conseil Biomass Research (1) et co-auteur de l’ouvrage Biofuel cropping system : carbon, land and food (2), Hans Langeveld a étudié l’impact des cultures dédiées aux biocarburants dans les principales zones de production dans le monde. Rencontre avec un expert dont les travaux apportent un éclairage utile dans le débat sur les énergies propres.
L’impact des biocarburants a récemment fait l’objet de plusieurs études. Pourquoi avoir initié ces nouveaux travaux ?
Au cours des dernières années, les biocarburants ont été accusés de multiples maux : réduire la disponibilité et faire monter les prix des matières premières alimentaires, favoriser la dénutrition des populations les plus exposées, encourager la déforestation… Ces accusations étaient basées sur des données et études de cas locales qui, par définition, ne permettent pas d’élaborer des modèles statistiques et économiques capables de délivrer une vision globale, ni des prévisions à long terme. En outre, des critères tels que les systèmes culturaux, les pratiques agronomiques ou encore l’évolution des rendements avaient été négligés. Il devenait donc urgent et nécessaire que des chercheurs se saisissent de la question ! L’ouvrage que nous avons publié avec mes confrères John Dixon (3) et Herman van Keulen (4) présente une analyse, sur dix ans, de la production de biocarburants des premiers producteurs mondiaux : États-Unis, Brésil, Europe, Chine, Indonésie, Malaisie, Afrique du Sud, Mozambique… Cette étude, qui a mobilisé plusieurs centres de recherche, a été conduite en toute indépendance. C’est aujourd’hui la plus complète et la plus documentée qui existe.
Quelles en sont les bases méthodologiques ?
Elle repose sur les données statistiques d’organisations internationales (FAO, FAPRI) (5) croisées avec des données sur les pratiques locales. À l’échelle mondiale, la surface agricole représente 4,9 milliards d’hectares. Nous avons analysé l’utilisation de ces sols à travers trois critères : la surface « récoltée » (qui est différente de la surface « cultivée » car la même surface peut donner lieu à plusieurs récoltes dans l’année), la surface agricole utilisée (grandes cultures, élevage, maraîchage, vergers, café…) et le ratio entre surface « récoltée » et surface « cultivée ». Ce troisième critère est un indicateur qui a été peu utilisé mais qui est pourtant indispensable pour appréhender, comprendre et prévoir l’évolution des ressources issues des grandes cultures : le Multiple Cropping Index (MCI), que l’on pourrait traduire par « indice de fréquence culturale ».
Quel en est l’intérêt dans le domaine des biocarburants ?
L’augmentation du MCI d’une parcelle montre que les agriculteurs y accroissent les quantités récoltées sur une année. Autrement dit, la même surface cultivée peut fournir plus de biomasse. Au niveau global, cela change radicalement notre vision des ressources disponibles, notamment de celles destinées aux biocarburants. Au cours de la dernière décennie, les surfaces agricoles destinées aux biocarburants ont augmenté de 25 millions d’hectares. Si l’on prend en compte les coproduits générés par ces cultures (alimentation animale, engrais, etc.), cette expansion représente en réalité 13,5 Mh. Parallèlement les agriculteurs ont fortement augmenté la fréquence des récoltes, avec à la clé un gain de productivité équivalant à 41,5 Mh de terres supplémentaires… Cette augmentation suffisant largement à compenser l’accroissement de la part des surfaces agricoles dédiée aux biocarburants, elle permet de préserver la part de récoltes alimentaires.
Outre les garanties offertes sur l’alimentation, est-ce un atout pour la préservation des espaces naturels ?
En effet : la production mondiale de biomasse énergétique a la possibilité de continuer à progresser sans qu’il soit nécessaire d’augmenter les surfaces agricoles au détriment des forêts, tourbières et autres espaces naturels. Comme le constate notre étude, l’urbanisation galopante est, de loin, la principale cause de déforestation et d’augmentation des prix des ressources alimentaires. L’histoire de l’Humanité montre que l’agriculture progresse en permanence. Aujourd’hui, cette évolution ne se produit pas majoritairement à travers la mise en culture de nouvelles terres, mais par une autre manière d’utiliser les terres cultivées, par une meilleure gestion de la rotation culturales et par l’amélioration des rendements. La prise en compte de cette réalité change radicalement la donne, appelant à revoir les modèles économiques jusqu’alors utilisés pour élaborer les politiques de développement des biocarburants.
(1) Société néerlandaise engagée dans la recherche et le développement en faveur de la biomasse et de la bioénergie.
(2) Éditions Routlege, janvier 2014, 296 pp.
(3) Australian Centre for International Agricultural Research
(4) Wageningen University and Research Centre (Pays Bas). Professeur émérite, directeur de recherche spécialiste des systèmes de production agricoles, Herman van Keulen est décédé en 2014
(5) Food and Agriculture Organization of the United Nations, Food and Agricultural Policy Research Institute
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