Avec plus de deux millions de voitures flex-fuel vendues en 2009(1), soit 95,6 % des immatriculations de l’année, et une part de 52 % d’éthanol dans la totalité des carburants consommés en 2008 (2), rouler au bioéthanol est devenu une seconde nature pour les automobilistes brésiliens. Tour d’horizon du marché brésilien à la pointe des efforts de réduction des émissions de CO2 dans les transports.
À l’occasion de la conférence de Copenhague, le Brésil a annoncé, par la voix de son ministre de l’Environnement (3), Carlos Minc, son intention de jouer un rôle moteur sur la scène internationale dans la lutte contre le réchauffement climatique. Au-delà des propositions présentées dans différents domaines, l’avance prise par ce pays en matière de transports, grâce à l’utilisation volontariste de l’éthanol, montre sa volonté de joindre le geste à la parole.
Les bases de cette avance ont été posées il y a plus de tente ans. Suite au premier choc pétrolier, le Gouvernement brésilien lançait, en 1975, le programme national « ProAlcool » qui positionnait l’éthanol comme alternative prioritaire aux énergies fossiles dans les transports et planifiait le développement d’infrastructures de production et de distribution. Fondé sur le potentiel de développement de la production domestique (voir ci-dessous), ce choix s’est tout d’abord traduit par la mise en circulation de voitures équipées de moteurs dédiés exclusivement à l’éthanol, puis par l’incorporation croissante d’éthanol dans l’essence conventionnelle, jusqu’à atteindre aujourd’hui un niveau d’incorporation de 25 %, qui ne nécessite pas de spécification particulière pour les moteurs essence récents
C’est en 2003 que démarre véritablement la fabrication industrielle de véhicules flex-fuel, c’est-à-dire capables de rouler indifféremment au bioéthanol ou à l’essence. Dès la première année, 328 000 voitures flex-fuel sont vendues, soit 4 % des immatriculations. Six ans après, un tiers du parc automobile est de type flex-fuel, et ce segment de marché continue de croître sur un rythme régulier, de l’ordre de 10 % par an.
Ainsi, à la fin du mois d’octobre 2009, les ventes dépassaient 2,2 millions d’exemplaires, soit plus de neuf immatriculations de voitures neuves sur dix. Toutes modalités d’incorporation et toutes utilisations confondues (véhicules particuliers, flottes d’entreprises, véhicules utilitaires…), l’éthanol représente actuellement plus de la moitié des carburants consommés sur le territoire brésilien, contre 45 % en 2007.
Afin de répondre à cette montée en puissance, le réseau de distribution s’est lui aussi adapté, et les 36 000 stations-service du pays sont toutes en mesure de proposer du bioéthanol, en plus de l’essence conventionnelle qui comprend 25 % d’éthanol. Une manière d’associer distributeurs, constructeurs, producteurs et consommateurs dans une commune dynamique de réduction des émissions de CO2 appliquée aux transports.
(1) Sources : ANFAVEA (Association nationale des fabricants automobiles), UNICA (Uniao da Industria de Cana-de-Açucar)
(2) Tous véhicules confondus
(3) Le Monde, 17 décembre 2009
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Avec une production qui devrait atteindre 280 millions d’hectolitres en 2009 (271 Mhl en 2008), le Brésil fournit à lui seul un tiers de la production mondiale d’alcool d’origine agricole, dont 90 % d’éthanol destinés à la carburation automobile.
Depuis 2005, le Brésil a perdu sa position de n°1 mondial au bénéfice des Etats-Unis. Mais il reste, de loin, le premier exportateur (60 % des volumes échangés), principalement à destination des USA (15,2 Mhl) et de l’Union européenne (14,7 Mhl). (données 2008)
Principale ressource de la filière éthanol, la culture de la canne à sucre représente environ 10 % des 75 millions d’hectares des surfaces agricoles brésiliennes. Chaque hectare de canne à sucre permet de produire, en moyenne, 7 000 litres d’éthanol.
Témoignage
Louis Stragiotti, Résident hélvéto-brésilien, utilisateur d’un véhicule flex-fuel
« En tant que chef d’entreprise et titulaire de la double nationalité, je partage mon temps entre la Suisse et Rio de Janeiro, où j’ai acheté ma première voiture flex-fuel en 2007. La disponibilité du bioéthanol sur l’ensemble du territoire a vaincu les hésitations que j’avais pour cette solution. Quant à l’utilisation quotidienne, j’avoue que je ne sens aucune différence significative (en dehors de celles liées au modèle) entre mon véhicule brésilien et celui que je conduis en Suisse, qui fonctionne au super 95. Si ce n’est la satisfaction, dans le deuxième cas, de contribuer à l’abaissement des émissions de gaz effet de serre générées par mes déplacements au Brésil… »
Christina Pacheco, Trésorière et administratrice d’ORPLANA (Organizacio dos Plantadores de Cana da Regiao Centro-Sul do Brasil)
L’industrie automobile n’a reçu aucune subvention ou incitation spécifique de la part du gouvernement brésilien pour mettre en place et développer la technologie flex-fuel. La perspective de gagner des parts de marché a sans doute été le meilleur levier.
En effet, le choix historique du Brésil de développer l’éthanol carburant offrait aux constructeurs la garantie d’une demande potentielle très importante. Demande à laquelle la technologie répondait parfaitement avec la possibilité pour l’utilisateur de rouler soit à l’essence, soit au bioéthanol, en fonction à la fois du prix comparé des carburants et de leur disponibilité.
Quant au consommateur, celui-ci a deux raisons de choisir un véhicule flex-fuel. D’une part, le niveau de taxe sur les voitures neuves est inférieur pour les modèles flex-fuel par rapport au même modèle essence (par exemple, pour les petites cylindrées, le taux de taxe passe de 3 % à 5 %). D’autre part, dans de très nombreux États, le prix de l’éthanol est nettement moins cher à la pompe que celui de l’essence, en raison d’une fiscalité très inférieure appliquée à ce carburant renouvelable.