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Pour aller plus loin
>> Sur les méthodes d’évaluation du bilan CO2 des biocarburants
À propos de la Fondation FARM
La Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) est un laboratoire d’idées et d’actions en faveur du développement par l’agriculture. Elle a été créée en 2005 par des entreprises publiques et privées, et reconnue d’utilité publique en 2006, pour promouvoir dans le monde des agricultures et des filières agroalimentaires performantes, durables et respectueuses des producteurs et des consommateurs. Interface entre l’action et la recherche, FARM nourrit les réflexions des décideurs et des acteurs du développement par des études et des conférences, ainsi que par les projets pilotes qu’elle mène en Afrique.
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La question des équilibres entre les utilisations alimentaires et énergétiques des ressources agricoles s’inscrit pleinement dans la thématique de l’Exposition universelle Milan 2015. Afin d’éclairer ce débat, le Pavillon France a invité la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) à partager son expertise dans le cadre d’une conférence organisée le 13 mai 2015. Le directeur de FARM, Jean-Christophe Debar, livre pour bioéthanolcarburant.com une synthèse des réflexions et recommandations émises par cette organisation indépendante et reconnue d’utilité publique.
Quelle est la mission de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde ?
Jean-Christophe Debar. FARM est un laboratoire d’actions et de réflexions dont le but est de promouvoir des agricultures et des filières agroalimentaires productives et durables. À ce titre, FARM encourage le développement d’exploitations et de coopératives performantes, notamment en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, afin d’aider les petits producteurs à produire plus et mieux et à accéder aux marchés. À travers ses actions et ses travaux de recherche, la fondation a acquis une expertise que nous diffusons par différents moyens (publications, médias, conférences…) auprès des acteurs du développement et des décideurs, contribuant ainsi à orienter les politiques publiques.
La concurrence alimentaire/non alimentaire est une des premières questions abordées par le cycle de conférences du Pavillon France. Est-ce le signe que ce sujet est particulièrement sensible ?
JCD. Les organisateurs ont fait le choix d’aborder des sujets controversés sous un angle pédagogique, en sollicitant pour cela des intervenants indépendants, capables de faire ressortir et clarifier les termes des débats, mais aussi susceptibles de faire émerger des positions. L’impact des biocarburants fait évidemment partie de ces thèmes d’actualité. En fait, la question des équilibres entre l’alimentaire et le non alimentaire en agriculture a toujours existé, mais les biocarburants focalisent l’attention car leur production a augmenté fortement depuis une dizaine d’années, et le débat s’est placé sur un terrain émotionnel qui empêche parfois de prendre du recul. Un exemple. On estime aujourd’hui que les cultures dédiées aux biocarburants représentent entre 40 et 50 millions d’hectares dans le monde, mais on entend rarement dire que cette surface est du même ordre que celle des cultures non alimentaires classiques comme le coton et le tabac… Pour autant, le débat sur les biocarburants est légitime, car il y a bien un impact sur les ressources agricoles. Mais toute la question est de savoir quel est réellement cet impact !
Sur quelles bases le débat se pose-t-il actuellement ?
JCD. Le passage en revue des études d’impact des biocarburants sur les ressources alimentaires révèle des divergences selon les estimations et une très forte amplitude entre les résultats. Cela s’explique par les importantes variations des bilans d’offre et de demande agricoles : les évaluations seront donc différentes en fonction des années auxquelles elles se réfèrent. Dans les périodes marquées par les aléas climatiques et une baisse des récoltes, comme ce fut le cas en 2007, ces bilans sont forcément tendus. Dès lors, le pourcentage de ressources orientées vers le non alimentaire prend de l’importance et, même s’il reste relativement faible, il amplifie la hausse des prix. Si l’on regarde de plus près, on s’aperçoit que si le non alimentaire impacte les prix des ressources alimentaires, cet effet est variable et n’intervient pas de manière mécanique et systématique. Par exemple, aux USA, le prix du maïs est actuellement inférieur à celui de 2007 alors que le tonnage de maïs transformé en bioéthanol a augmenté de 70 % entre 2007 et 2014. Ainsi, s’il est indéniable que les biocarburants ont instauré un sorte de « prix plancher » des ressources alimentaires depuis 2005, leur développement n’empêche pas non plus un fort recul des prix agricoles. Autrement dit, il est impossible d’avoir aujourd’hui une position universelle et immuable sur la question de l’impact des biocarburants sur les prix alimentaires.
Pourtant les biocarburants sont souvent accusés de favoriser l’insécurité alimentaire…
JCD. L’affirmation selon laquelle le développement des biocarburants contribuerait à affamer le monde est infondée. En croisant les données de la FAO sur l’insécurité alimentaire dans les pays en développement avec celles relatives aux prix des principaux produits alimentaires, nous avons constaté que les courbes évoluent en sens inverse. Globalement, le pourcentage de personnes souffrant de la faim continue de reculer alors que, depuis le début des années 2000, l’indice des prix alimentaires augmente. De même, une étude récente montre que, sur le long terme, la hausse des prix alimentaires contribue à faire reculer la pauvreté*. Encore une fois, cela ne signifie pas que les biocarburants n’ont pas d’impact, mais on ne peut établir de corrélation directe. C’est pourquoi nous encourageons l’opinion et les décideurs à sortir des visions réductrices et des schémas simplistes pour poser le débat sur des bases objectives.
Dans quel mesure le développement des biocarburants peut-il profiter aux petits producteurs des pays moins avancés et émergents ?
JCD. En Afrique subsaharienne, la moitié des surfaces associées à des projets d’investissements étrangers dans le foncier agricole, depuis cinq ans, concernent les biocarburants. Cette situation fait peser un risque sur les petits producteurs principalement en raison d’une déficience du droit foncier, mais le problème se pose de la même manière pour les productions alimentaires… Comme le montre une étude de FARM, certains pays, comme le Brésil, ont commencé à prendre des mesures pour associer les petites exploitations au développement du marché des biocarburants. Cette démarche est encore embryonnaire, mais elle montre que la mise en place de politiques publiques adaptées peut faire des biocarburants un levier de développement de la production agricole. À l’inverse, l’absence de politiques pertinentes peut aggraver la pauvreté et l’insécurité alimentaire…
La remise en cause des méthodes d’évaluation de l’impact des changements d’affectation des sols peut-elle également faire évoluer les positions vis-à-vis des biocarburants ?
JCD. Voilà effectivement un autre domaine où l’on a du mal à établir avec certitude des indicateurs reflétant l’impact réel des biocarburants. Le débat sur la prise en compte du changement indirect d’affectation des sols (CASI) dans le bilan CO2 des biocarburants est apparu en 2008. Or, depuis cette date, les estimations de l’impact du CASI n’ont cessé de diminuer car les modèles de calculs et de prévisions ont été affinés au fil du temps (sur ce sujet voir notre dossier, ndlr). Au final, tous ces exemples montrent qu’il ne peut y avoir de dogmes dans le débat sur les biocarburants. Mais pour transformer cette filière en véritable opportunité et la mettre au service du bien collectif, nous avons besoin de cadres politiques qui permettront d’assurer la durabilité économique, sociale et environnementale des biocarburants.
* Food Prices and Poverty Reduction in the Long Run, Derek Heady, International Food Policy Research Institute (IFPRI), mars 2014
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